C'était un vendredi soir, détail important pour le reste de l'histoire.
On arrive un peu à l'arrache (fr)/à la course (qc) par rapport aux horaires habituels de bus pour cette ligne là. Heureusement, il en reste un avec des places de libre et le vendeur nous fait une petite réduc pour nous encourager à remplir son bus. Jusqu'ici tout va bien. Quoique que c'est un bus d'environ 13 heures donc on s'apprête quand même a passer la nuit du vendredi sur la route... Mais dans le bus, ça a graduellement viré au surréalisme.
Tout d'abord le bus était vieux, même pour des critères boliviens. Et il était très sombre, une décoration principalement dans les teintes noires. Un peu lugubre pour un bus. On s'assoit à notre place. Et lorsque le bus démarre on découvre que la fenêtre ne ferme pas bien. Ça fait que pendant tout le reste de cette histoire, vous pouvez imaginer qu'il y a un permanent sifflement léger mais aigü en fond sonore, et que le vent (heureusement pas trop froid) caresse le bas de votre dos.
En plus, il n'y avait pas de toilette!
Comme je le disais, c'était un vendredi soir. Ça fait que certains étaient déçus d'être enfermés dans un bus et de ne pas pouvoir aller au bar. Fait qu'ils avaient décidé d'emmener le bar avec eux. Au début ça discute joyeusement 3-4 rangs devant. Puis progressivement ça commence à discuter fort. Finalement, il y en a un, dont on ne connaît pas le nom mais qu'on appellera le Borracho (= le bourré (fr) / le ben soûl (qc) en espagnol) pour le reste de ce récit car il était bien éméché au moment où il rentre dans cette histoire, qui décide que le bus qu'il honore de sa présence n'est pas assez animé pour lui, alors il se lève et il commence à se faire des amis. Il fait tout noir dans le bus car toutes les lumières sont éteintes mais pareil il interpelle le monde et notamment, il décide que notre voisin de juste devant est désormais son nouveau meilleur ami! Alors il n'arrête pas de lui parler tout en lui tendant sa bouteille plastique d'eau qui est rempli d'un liquide pas du tout transparent. Et il lui tient un discours incompréhensible et répétitif que je vais essayer de retranscrire:
"Hey mon ami! Tu sais que t'as une bonne tête! Sans vouloir te déranger et t'importuner, tu veux me faire plaisir et boire un coup! Allez!!!!!!! Vas-y!!!!!! Tu peux pas me laisser boire tout seul, t'es mon ami! Vas-y, bois avec moi! Non mais vas-y! Prends en plus! Tu vas voir c'est bon! Non mais parce que je veux pas te déranger ou t'importuner, mais quand même je trouve que t'as une bonne tête! Non mais tout le monde, vous trouvez pas qu'il a une bonne tête! Il ressemble à quelqu'un! Ouais, il ressemble à quelqu'un! Ah mais je sais, il ressemble à Schwarzenegger! (Personnellement je ne connais aucun latino qui ressemble à Schwarzenegger... Ce qui prouve à quel point il était bourré)! Mais c'est exactement ça! Allez vas-y Schwarzenegger, reprends un coup avec moi! Non, parce que je veux pas t'importuner ou te déranger, mais tu peux pas me laisser boire tout seul!" Etc. Etc.
Là au bout d'un moment les autres passagers commencent à se tanner et à lui demander de s'assoir, le gars devient fendant (qc) / arrogant (fr). Il gesticule et bouscule un peu Vero assise juste derrière!
Là la femme du Borracho commence à lui demander de s'assoir (car oui cet énergumène a une femme). Elle crie avec sa voie stridente qu'il doit arrêter d'emmerder le monde et s'assoir. Le Borracho fait semblant de rien entendre et se fout "discrètement" de la gueule de sa femme à notre voisin de devant. "Discrètement" car un gars bourré est bien évidemment jamais discret et tout le bus entend ses commentaires. Sa femme menace de le quitter à jamais à l'arrivée du bus. Mais visiblement il s'en fout. Tout va au plus mal, on aimerait s'enfuir de ce bus maudit, quand le meilleur arrive!
Quelqu'un à l'avant commence à crier "il y a une chauve-souris!!! Il y a une chauve-souris!!!" Et oui!!! Elle est entrée par une des fenêtres ouvertes dans le bus en pleine course! Dans le bus entièrement noir elle vole dans tous les sens au dessus des têtes! Les nôtres y compris bien sûr!
Les cris font monter le copilote dans le compartiment passager! On l'avertit qu'il y a une chauve-souris. Pour l'aider à la trouver, j'éclaire le bus avec mon iPhone. Du coup il me l'emprunte et commence à chercher la chauve-souris qui, la maligne, s'est planquée justement à ce moment là derrière un siège inoccupé. Il ne la trouve pas, il pense qu'on a tous fumé! Là un des passagers lui fait remarquer qu'il y a un gars complètement bourré qui fait chier tout le monde. Il va voir le Borracho pour constater qu'effectivement le gars est bourré. Il lui demande de se calmer mais le Borracho lui rit au nez, alors il essaie de lui prendre sa bouteille. Ça s'avère pas trop difficile vu le manque de réflexe du Borracho. Mais du coup le Borracho commence à engueuler le copilote en lui disant qu'il n'a pas le droit de lui prendre sa bouteille, qu'elle est à lui, que bla-bla-bla... Mais le copilote tient bon, comme un maître d'école qui confisque un jouet! Finalement le copilote se barre avec la bouteille. A peine est-il sorti que la chauve-souris décide que c'est son moment pour retourner à la chasse aux insectes. Elle revole. Les gens recrient!
Ostie que ce calvaire ne semble jamais finir. En plus c'est aux petites heures du matin.
Mais finalement la chauve-souris se planque dans un coin. On la guette. Je protège Vero de mon corps. On ne reverra jamais la mangeuse d'insecte, sans doute ressortie par une autre fenêtre ouverte. Il ne restera que les soupirs et quelques râles du Borracho qui finira par s'endormir. Et nous aussi!
Le lendemain au moment de débarquer les bagages, le Borracho avait clairement la tête dans le cul. Mais sa femme avait apparemment oublié qu'elle devait le quitter et ils repartirent ensemble. Ah l'amour...
On en rigole aujourd'hui! Mais ce matin on était déchiré de fatigue!...
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